Sommaire des motifs de décision portant sur Sprycel
Décisions d'examen
Le sommaire des motifs de décision explique les raisons pour lesquelles un produit a reçu une autorisation de vente au Canada. Le document comprend les considérations portant sur la réglementation, l’innocuité, l’efficacité et la qualité (sur le plan de la chimie et de la fabrication).
Type de produit:
- Ce document est une traduction française du document anglais approuvé.
Sprycel
Dasatinib (sous forme monohydratée), 20 mg, 50 mg et 70 mg, Comprimés, Orale
Bristol-Myers Squibb Canada
No de contrôle de la présentation : 104993
Émis le : 2007-08-07
Direction générale des produits de santé et des aliments
Notre mission est d'aider les Canadiennes et les Canadiens à maintenir et à améliorer leur état de santé.
Santé Canada
Le mandat de la DGPSA est d'adopter une approche intégrée à la gestion des risques et des avantages pour la santé liés aux produits de santé et aux aliments:
- en réduisant les facteurs de risque pour la santé des Canadiens et Canadiennes tout en maximisant la protection offerte par le système réglementaire des produits de la santé et des aliments ; et
- en favorisant des conditions qui permettent aux Canadiens et Canadiennes de faire des choix sains ainsi qu'en leur donnant des renseignements afin qu'ils ou qu'elles puissent prendre des décisions éclairées en ce qui a trait à leur santé.
Direction générale des produits de santé et des aliments
Also available in English under the following title: Summary Basis of Decision (SBD) PrSPRYCEL*, Dasatinib, 20 mg, 50 mg, and 70 mg tablets, Bristol-Myers Squibb Canada, Submission Control No. 104993
Avant-propos
Le Sommaire des motifs de décision (SMD) de Santé Canada expose les motifs d'ordre scientifique et réglementaire sur lesquels reposent les décisions de Santé Canada concernant la réglementation des médicaments et des instruments médicaux. Les SMD sont rédigés en langage technique à l'intention des personnes et groupes intéressés aux décisions de Santé Canada portant sur un produit donné et sont le reflet des observations consignées dans les rapports d'évaluation. À ce titre, les SMD servent à compléter et non à répéter l'information contenue dans la monographie de produit.
Nous invitons les lecteurs à consulter le « Guide du lecteur sur le Sommaire des motifs de décision - Médicaments au sujet de l'interprétation des termes et des acronymes utilisés ici. Ils trouveront également dans ce guide un aperçu du processus d'examen des présentations de drogue dans le feuillet intitulé « Comment les médicaments sont examinés au Canada », qui décrit les facteurs pris en considération par Santé Canada au cours du processus d'examen et d'autorisation d'une présentation de drogue. Les lecteurs devraient aussi consulter le document intitulé « Initiative du sommaire des motifs de décision - Foire aux questions ».
Le SMD correspond à l'information dont disposent les autorités de réglementation de Santé Canada au moment de prendre une décision. Les présentations subséquentes examinées à d'autres fins ne sont pas incluses dans la Phase I de la stratégie de mise en oeuvre des SMD. Pour obtenir de l'information à jour sur un produit en particulier, les lecteurs sont priés de consulter la monographie la plus récente de ce produit. Santé Canada fournit également l'information au sujet mises en garde diffusées après la commercialisation ou d'avis émis à la suite d'effets indésirables (EI).
Pour de plus amples renseignements sur un produit en particulier, les lecteurs peuvent également se rendre sur les sites Web des organismes de réglementation d'autres pays. L'information reçue à l'appui d'une présentation de drogue au Canada peut cependant ne pas être identique à celle reçue par d'autres gouvernements.
Autres politiques et lignes directrices
Les lecteurs sont invités à consulter le site Web de Santé Canada, où ils trouveront d'autres politiques et lignes directrices au sujet des médicaments, notamment le document intitulé «Gestion des présentations de drogues ».
1 Information sur le produit et la présentation
Marque nominative :
Fabricant/promoteur :
Ingrédient médicinal :
Dénomination commune internationale :
Concentration :
Forme posologique :
Voie d'administration :
Identification numérique de drogue (DIN) :
- 02293129 20 mg/comprimé
- 02293137 50 mg/comprimé
- 02293145 70 mg/comprimé
Classe pharmaco-thérapeutique (classe ATC) :
Ingrédients non médicinaux :
Type et numéro de présentation :
Date de la présentation :
Date de l'autorisation :
* MC de Bristol-Myers Squibb Company
utilisée sous licence par Bristol-Myers Squibb Canada
2 Avis de décision
Le 26 mars 2007, Santé Canada a émis à l'intention de Bristol-Myers Squibb Canada un avis de conformité dans le cadre de la Politique sur les Avis de conformité avec conditions (AC-C) du produit pharmaceutique Sprycel. Le produit a été autorisé dans le cadre de la politique d'AC-C à cause du caractère prometteur des preuves cliniques et de la nécessité des études de confirmation afin de vérifier les avantages cliniques. Les patients devraient être avisés du fait que l'autorisation de commercialisation était émise avec conditions.
Sprycel contient l'ingrédient médicinal dasatinib, un inhibiteur de la protéine‑tyrosine kinase.
Sprycel est indiqué pour le traitement des adultes atteints d'une leucémie myéloïde chronique (LMC) en phase chronique, en phase d'accélération ou en crise blastique, associée à une résistance ou à une intolérance au traitement antérieur, incluant celui par le mésylate d'imatinib. Le dasatinib inhibe l'activité de la protéine BCR-ABL kinase et des kinases de la famille SRC (LYN, HCK), ainsi que d'un certain nombre d'autres kinases. En inhibant l'activité de ces protéines, Sprycel empêche la croissance et la survie des cellules leucémiques.
L'autorisation de commercialisation s'appuie sur des données issues d'études sur la qualité (chimie et fabrication) et d'études non cliniques et cliniques. L'innocuité et l'efficacité ont été évaluées par le biais de six études cliniques (une étude de phrase I et cinq études de phase II). Ces études ont permis d'obtenir des données prometteuses sur l'efficacité clinique, fondée sur les taux de réponses hématologiques et cytogénétiques, et ont fait ressortir un profil d'innocuité acceptable. La durée du suivi était limitée. Il n'existait pas d'études contrôlées ayant montré des bienfaits cliniques, tels que l'amélioration des symptômes reliés à la maladie ou la prolongation de la survie.
Sprycel [dasatinib (sous forme monohydratée), 20 mg, 50 mg et 70 mg] est offert sous forme de comprimés. La posologie recommandée de Sprycel est de 140 mg par jour, administrée par voie orale, en deux doses fractionnées (70 mg, deux fois par jour), une dose le matin et une deuxième le soir, sans égard au repas. Les recommandations concernant la posologie sont décrites dans la monographie de produit.
L'administration de Sprycel est contre-indiquée chez les patients ayant une hypersensibilité au dasatinib ou à tout autre ingrédient de Sprycel. Sprycel devrait être administré selon les conditions décrites dans la monographie de produit, en tenant compte des risques potentiels associés à l'administration de ce produit pharmaceutique. Les conditions détaillées relatives à l'usage de Sprycel sont décrites dans la monographie de produit.
3 Motifs d'ordre scientifique et réglementaire
3.1 Motifs d'ordre qualitatif
3.1.1 Substance médicamenteuse (ingrédient médicinal)
Information générale
Le dasatinib (sous forme monohydratée), ingrédient médicinal de Sprycel, est un inhibiteur de protéine‑tyrosine kinase. Le dasatinib inhibe l'activité de la kinase BCR‑ABL, des kinases de la famille SRC (LYN, HCK) et d'un certain nombre d'autres kinases. En inhibant l'activité de ces protéines, Sprycel prévient la croissance et la survie des cellules cancéreuses chez les patients atteints de leucémie myéloïde chronique (LMC).
Procédé de fabrication et contrôles en cours de fabrication
Le dasatinib est un produit de synthèse. Les matières entrant dans sa fabrication sont jugées adéquates et/ou conformes aux normes s'appliquant à l'usage prévu. On considère que le procédé de fabrication fait l'objet d'un contrôle adéquat, dans des limites raisonnables.
Caractérisation
La structure du dasatinib est considérée comme étant élucidée de manière adéquate, et les spectrogrammes ont été fournis.
Les impuretés résultant de la fabrication ont été signalées et caractérisées. Ces substances ne dépassaient pas les limites établies par l'ICH ou étaient qualifiées sur le plan toxicologique et sont par conséquent jugées acceptables.
Contrôle de la substance médicamenteuse
Les méthodes d'analyse et, lorsque nécessaire, les rapports de validation de toutes les méthodes qui ont servi à l'analyse du dasatinib fini ainsi qu'aux essais de stabilité ont été jugés acceptables.
Les spécifications de la substance médicamenteuse sont considérées comme acceptables. Les résultats de l'analyse de lots ont été examinés et sont conformes aux critères d'acceptation proposés relativement aux spécifications.
Le conditionnement de la substance médicamenteuse est considéré comme acceptable.
Stabilité
À la lumière des données soumises sur la stabilité, fondées sur des essais en temps réel et accélérés, la durée de conservation et les conditions d'entreposage proposées pour le dasatinib sont jugées acceptables.
3.1.2 Produit pharmaceutique
Description et composition
Les comprimés enrobés à libération immédiate de Sprycel, offerts à des concentrations de 20 mg, 50 mg et 70 mg de dasatinib sous forme monohydratée, contiennent les ingrédients non médicinaux suivants : noyau - croscarmellose sodique, hydroxypropylcellulose, lactose monohydraté, stéarate de magnésium et cellulose microcristalline; pelliculage - hypromellose, polyéthylèneglycol et dioxyde de titane.
- Les comprimés de 20 mg sont de couleur blanche à blanc cassé, biconvexes, ronds et pelliculés; ils portent l'inscription « BMS » sur une face et « 527 » sur l'autre.
- Les comprimés de 50 mg sont de couleur blanche à blanc cassé, biconvexes, ovales et pelliculés; ils portent l'inscription « BMS » sur une face et « 528 » sur l'autre.
- Les comprimés de 70 mg sont de couleur blanche à blanc cassé, biconvexes, ronds et pelliculés; ils portent l'inscription « BMS » sur une face et « 524 » sur l'autre.
Les comprimés de Sprycel sont présentés dans des flacons de polyéthylène haute densité munis d'un système récipient‑fermeture à l'épreuve des enfants et contenant de la ouate et une capsule déshydratante (gel de silice). Les comprimés sont aussi offerts dans des plaquettes alvéolées.
Tous les ingrédients non médicinaux utilisés sont conformes au Règlement sur les aliments et drogues du Canada. Les données sur la stabilité présentées à l'appui de la formulation commerciale proposée attestent la compatibilité du dasatinib avec ces ingrédients.
Élaboration du produit pharmaceutique
Les modifications apportées au procédé de fabrication et à la formulation lors de l'élaboration du produit pharmaceutique ont été examinées et jugées acceptables.
Procédés de fabrication et contrôles en cours de fabrication
Le procédé de fabrication des comprimés fait appel à des techniques standard, notamment les suivantes : granulation par voie humide, séchage, broyage, mélange, compression, pelliculage, conditionnement. Les spécifications de tous les ingrédients ont été approuvées conformément aux normes de l'USP/NF ou de la Ph. eur.
Tout l'équipement, les étapes de fabrication et les paramètres de fonctionnement détaillés sont dûment décrits dans la documentation fournie et ont été jugés acceptables. Le procédé de fabrication est considéré comme dûment contrôlé à l'intérieur de limites justifiées.
Contrôle du produit pharmaceutique
Sprycel a été soumis à des tests visant à en vérifier l'identité, l'apparence, l'uniformité et la dissolution ainsi qu'à vérifier les concentrations des produits de dégradation et des impuretés microbiologiques; les résultats de ces tests sont tous conformes aux critères d'acceptation. Les spécifications des tests et les méthodes d'analyses ont été jugées acceptables; la durée de conservation ainsi que les limites de libération des produits de dégradation, pris séparément ou collectivement, sont considérées comme acceptables à la lumière des données cliniques/toxicologiques et des recommandations de l'ICH.
Les méthodes d'analyse et, lorsque nécessaire, les rapports de validation de toutes les méthodes qui ont servi à l'analyse du produit pharmaceutique (Sprycel) fini ainsi qu'aux essais de stabilité ont été jugés acceptables. On a passé en revue les résultats des analyses finales de lots, et ils ont été jugés conformes aux spécifications du produit pharmaceutique.
Stabilité
À la lumière des données sur la stabilité fondées sur des essais accélérés et de longue durée, la durée de conservation proposée de 24 mois est jugée acceptable lorsque les comprimés de Sprycel sont laissés dans le contenant commercial et que ce dernier est entreposé à une température de 15 à 30 °C.
Les études de stabilité et les tests officinaux attestent la compatibilité du produit pharmaceutique avec le système récipient‑fermeture.
3.1.3 Installations et équipement
L'aménagement, le fonctionnement et les mécanismes de contrôle des installations et de l'équipement servant à la production sont jugés acceptables pour les activités et les produits fabriqués. Toutes les installations proposées sont conformes aux exigences du titre 2 du Règlement sur les aliments et drogues Tous les sites sont jugés conformes aux bonnes pratiques de fabrication (BPF) pour ce qui concerne la fabrication du produit.
3.1.4 Évaluation de l'innocuité des agents adventices
S.O.
3.1.5 Conclusion
L'information soumise sur les caractéristiques chimiques et la fabrication de Sprycel montre que la substance médicamenteuse et le produit pharmaceutique peuvent être fabriqués de façon à répondre systématiquement aux spécifications convenues. Des études appropriées sur l'élaboration et la validation ont été menées, et des contrôles adéquats sont en place pour la commercialisation.
3.2 Motifs non cliniques de la décision
La LMC est une affection maligne évolutive de la moelle osseuse caractérisée par une surproduction de granulocytes par les cellules souches de la moelle osseuse. La surexpression ou l'hyperactivation de kinases oncogènes, notamment de la kinase BCR‑ABL, des kinases de la famille SRC, de c‑KIT, des récepteurs des éphrines (récepteurs EPH) et du récepteur PDGFβ, joue un rôle central dans l'étiologie de plusieurs types de cancers et dans l'apparition de manifestations malignes comme la prolifération anarchique de cellules et la formation de métastases.
3.2.1 Pharmacodynamique
Les études de pharmacodynamique in vitro et in vivo ont montré que le dasatinib inhibait l'activité de la kinase BCR‑ABL, des kinases de la famille SRC et d'un certain nombre d'autres kinases, notamment c‑KIT et les récepteurs EPH et PDGFβ. Les études in vitro ont révélé que le dasatinib inhibait la prolifération des lignées cellulaires de LMC sensibles à l'imatinib et des lignées cellulaires de LMC résistantes à l'imatinib, et que les mécanismes de résistance découlaient d'une surexpression de la pompe d'efflux PGP ou des kinases FYN ou LYN, ou encore de mutations touchant BCR‑ABL (sauf la mutation T315I). Dans des modèles souris de xénogreffe, le dasatinib a inhibé la croissance de deux lignées cellulaires sensibles à l'imatinib et d'une lignée cellulaire résistante à l'imatinib.
Les études pharmacologiques portant sur l'innocuité ont révélé que le dasatinib n'avait aucune affinité spécifique pour les autres récepteurs/canaux ioniques étudiés dans les essais in vitro de liaison aux ligands. Cependant, les résultats des essais portant sur hERG/IKr et les fibres de Purkinje donnent à penser que le dasatinib pourrait provoquer un certain allongement de l'intervalle QT. Dans une étude in vivo, des doses uniques de 10 mg/kg de dasatinib administrées à six singes conscients ont provoqué, en comparaison du groupe témoin, un allongement de l'intervalle QTc moyen de 16 à 19 msec dans les 1,5 à 2,5 heures qui ont suivi l'administration de la dose et une augmentation de la pression artérielle systolique (6 % à 15 %) et de la pression artérielle diastolique (8 % à 21 %) dans les 2 heures qui ont suivi l'administration de la dose.
3.2.2 Pharmacocinétique
Absorption
En administration orale chez la souris, le rat, le chien et le singe, le dasatinib était rapidement absorbé (biodisponibilité de 14 % à 34 %). Chez le rat et le singe, l'exposition de l'organisme entier au dasatinib était liée à la dose, sans différence apparente entre les animaux des deux sexes.
La solubilité aqueuse du dasatinib est très sensible au pH; ainsi, l'absorption du médicament pourrait être moindre à certains pH dans le tube digestif.
Distribution
La liaison du dasatinib aux protéines plasmatiques était élevée (> 91 %) chez la souris, le rat, le chien et le singe. Chez tous ces animaux, le volume de distribution du dasatinib à l'état d'équilibre était plus élevé que le volume total d'eau dans l'organisme, ce qui laisse entendre qu'il y aurait eu diffusion extravasculaire du médicament. La distribution du dasatinib était importante dans les divers tissus et organes; les concentrations les plus élevées ont été enregistrées dans le tube digestif et le foie.
Métabolisme
Le dasatinib a été métabolisé de façon importante chez le rat et le singe. Les métabolites formés étaient des produits d'hydroxylation, de N‑oxydation, de N‑désalkylation, d'oxydation en acide carboxylique, de glucuronidation et de sulfatation. Dans le plasma, le dasatinib était principalement présent sous sa forme non altérée.
Les principaux métabolites oxydatifs étaient surtout générés par la CYP3A4 in vitro. Le dasatinib n'a pas induit les enzymes CYP1A2, CYP2B6, CYP2C9 ou CYP3A4 dans des cultures primaires d'hépatocytes humains à des concentrations atteignant 25 µM. Le risque que le dasatinib accroisse la clairance de médicaments métabolisés par ces enzymes est minime.
Élimination
Après l'administration orale de dasatinib radiomarqué à des rats et à des singes, on a constaté que la radioactivité associée au médicament se retrouvait principalement dans les matières fécales et que seule une faible portion de la radioactivité était éliminée dans les urines. Dans la bile et les urines, on n'a détecté qu'une faible fraction de dasatinib non altéré, ce qui donne à penser que la métabolisation joue un rôle important dans l'élimination du produit chez les animaux de ces espèces.
3.2.3 Toxicologie
On a mené des études de toxicité à dose unique et à doses répétées chez le rat, le lapin, le singe et le chien. Toutes les études pivots ont été menées dans le respect des bonnes pratiques de laboratoire.
Toxicité aiguë
Dans des études de toxicité à dose unique menées chez le rat et le singe, les principaux effets associés à une toxicité aiguë ayant entraîné une mortalité étaient une toxicité gastro‑intestinale, une déplétion de la moelle osseuse, une déplétion lymphoïde, la présence de multiples foyers de nécrose myocardique (chez le rat seulement) et une hémorragie. Le taux de mortalité des singes a atteint 100 % à une dose d'exposition correspondant à 7 fois la dose thérapeutique chez l'humain; la mortalité était attribuable à une toxicité gastro‑intestinale (hémorragie, perte liquidienne et électrolytique) et à une suppression du système immunitaire due à une déplétion lymphoïde. Parmi les autres manifestations cliniques observées, citons des cas d'hypothermie et ainsi que des cas d'hémorragie, notamment au niveau de la cavité thoracique, des extrémités, de la gencive, de la tête, du cou et de la rétine. De plus, dans l'étude de toxicité à dose unique menée chez le singe, l'intervalle QTc avait tendance à s'allonger (intervalle QTc moyen de 5,3 à 18,8 msec à des doses de 15 à 45 mg/kg) dans les deux heures suivant l'administration du dasatinib.
Toxicité à long terme
Les études de toxicité à doses répétées menées chez le rat s'échelonnaient sur des périodes allant de deux semaines à six mois, et celles menées chez le singe, sur des périodes de dix jours à neuf mois. Une étude menée chez le chien a été interrompue deux jours après son début en raison d'une toxicité gastro‑intestinale excessive. Les doses étaient généralement plus faibles dans les études d'une plus longue durée.
Les altérations hématologiques et de la chimie sérique étaient semblables chez les animaux des deux espèces; il s'agissait notamment d'une diminution des taux d'hémoglobine, d'érythrocytes, de lymphocytes, de protéines totales, d'albumine, de phosphatase alcaline, de phosphore et de calcium, et d'une augmentation des taux d'alanine‑aminotransférase, d'aspartate‑aminotransférase et d'azote uréique.
Dans l'étude préliminaire de 2 semaines menée chez le rat, on a enregistré un taux de mortalité de 100 % entre les jours 8 et 12 chez les animaux exposés (organisme entier) à des doses 13 fois supérieures à la dose thérapeutique chez l'humain. On a observé une diminution du nombre absolu de lymphocytes T et de lymphocytes B spléniques, ainsi que de la réponse anticorps T‑dépendante contre l'hémocyanine de patelle (KLH), ce qui évoque une réponse immunitaire affaiblie. Dans l'étude de 1 mois menée chez le rat, on a observé un taux de mortalité de 43 % à une dose 4 fois supérieure à l'exposition prévue chez l'humain. Dans l'étude de 6 mois menée chez le rat, on a constaté, de la 3e à la 22e semaine, un taux de mortalité de 30 % à une dose 2,8 fois supérieure à l'exposition prévue chez l'humain. L'observation la plus fréquente était la présence de liquide dans la cavité thoracique des animaux morts et des animaux moribonds euthanasiés avant la fin de l'étude. On n'a pas constaté de liquide dans la cavité pleurale des animaux survivants ayant reçu du dasatinib pendant les 6 mois de l'étude.
Dans l'étude préliminaire de 10 jours menée chez le singe, on a enregistré un taux de mortalité de 75 % chez les animaux exposés (organisme entier) à des doses > 5 fois supérieures à l'exposition prévue chez l'humain. Dans l'étude de 9 mois menée chez le singe, le taux de mortalité et d'euthanasie non prévue entre les 5e et 9e mois était de 50 % à une dose ne correspondant qu'à la moitié de l'exposition prévue chez l'humain, et de 100 % (avant 6 mois) à une dose 2,6 fois supérieure à l'exposition clinique prévue.
Cancérogénicité
Le potentiel cancérogène du dasatinib n'a pas été étudié.
Génotoxicité
In vitro, le dasatinib avait un effet clastogène sur les cellules d'ovaire de hamster chinois, avec et sans activation métabolique, à des concentrations ≥5 μg/mL.
Toxicité pour l'appareil reproducteur
Des études de toxicité pour l'appareil reproducteur ont été menées chez le rat et le lapin et ont clairement démontré que le dasatinib était foetotoxique. Dans l'étude portant sur le développement embryonnaire et foetal, on a observé une létalité embryonnaire à des doses non toxiques pour les rates gravides. L'examen anatomopathologique des foetus a révélé la présence de clavicules malformées, de radius et de fémurs courbés et de côtes ondulées ou noduleuses, une ossification réduite des vertèbres thoraciques, lombaires et sacrées ainsi que des phalanges des pattes avant, la présence de liquide dans les cavités thoracique et abdominale, un oedème et une microhépatie (petit foie).
Dans une étude de dosimétrie menée chez le lapin, on a constaté une diminution du nombre de foetus vivants chez les animaux ayant reçu 6 mg/kg et 10 mg/kg de dasatinib. Il y avait par ailleurs une diminution de la taille des portées à toutes les doses.
Autres études sur la toxicité
Les autres études sur la toxicité ont révélé que le dasatinib avait un effet inhibiteur sur la prolifération des lymphocytes T spléniques, sur le rejet de greffons et sur la fonction plaquettaire tant in vitro qu'in vivo. Ce dernier effet revêt une importance cruciale, car cela signifie qu'en plus de réduire le taux de plaquettes en provoquant une déplétion de la moelle osseuse, le dasatinib inhibe la fonction plaquettaire.
3.2.4 Résumé et conclusion
Sprycel (dasatinib) a un important effet inhibiteur sur les kinases de la famille SRC et sur d'autres kinases, dont BCR‑ABL, c‑KIT et les récepteurs EPH et PDGFβ. On a observé une inhibition de la croissance de diverses lignées cellulaires de LMC, dont des lignées sensibles à l'imatinib et des lignées résistantes à l'imatinib. Le dasatinib a également inhibé la croissance de lignées cellulaires présentant 14 mutations de BCR‑ABL, à l'exception de la mutation T315I.
Les effets toxiques ont principalement touché le tube digestif, le système lymphoïde et la moelle osseuse et ont provoqué des altérations hématologiques et biochimiques. Le dasatinib a également agi sur la prolifération des lymphocytes T, ce qui pourrait affaiblir le système immunitaire. Le dasatinib s'est par ailleurs révélé foetotoxique et ne devrait par conséquent pas être administré aux femmes enceintes. On a observé des effets toxiques pouvant mettre en jeu la vie des sujets dans une étude de 9 mois menée chez le singe : le taux de mortalité était de 50 % à une dose ne correspondant qu'à la moitié de l'exposition clinique prévue. Il est donc nécessaire d'étudier rigoureusement l'innocuité du produit chez l'humain lorsqu'il est utilisé pendant ≥6 mois afin de déceler toute réaction indésirable potentiellement mortelle.
À la lumière des résultats des études non cliniques sur la pharmacodynamique, la pharmacocinétique et la toxicologie, l'utilisation de Sprycel est recommandée pour les indications proposées dans la monographie de produit. Il est par ailleurs conseillé de mener des études de dosimétrie pour réduire la dose efficace et, donc, le risque d'effets toxiques potentiellement mortels. Il faudrait de plus réaliser une étude sur la toxicité du produit pour le myocarde afin d'exclure la possibilité que Sprycel ait un quelconque effet néfaste sur les cardiomyocytes.
3.3 Motifs cliniques de la décision
3.3.1 Pharmacodynamique
Le dasatinib est un puissant inhibiteur de tyrosine kinase qui agit à des concentrations subnanomolaires sur BCR‑ABL, c-KIT, les récepteurs EPH et PDGFβ et les kinases de la famille SRC. L'effet inhibiteur du dasatinib sur des lignées cellulaires de LMC et certaines lignées cellulaires de tumeurs solides a été démontré dans des systèmes in vitro et in vivo. Le pouvoir inhibiteur du dasatinib sur l'ensemble des lignées cellulaires de LMC était plus important que celui de l'imatinib.
3.3.2 Pharmacocinétique
Absorption
En administration orale, le dasatinib est rapidement absorbé chez les patients leucémiques. Les concentrations plasmatiques maximales sont atteintes 0,5 à 3 heures après l'administration de la dose, et la demi‑vie moyenne du dasatinib est d'environ 5 à 6 heures.
Distribution
Le volume de distribution du dasatinib est considérable, ce qui laisse entendre qu'il se produit un important phénomène de diffusion extravasculaire.
Métabolisme
Le dasatinib est fortement métabolisé chez l'humain, métabolisation largement attribuable à l'enzyme CYP3A4 (cytochrome P450 3A4).
Élimination
Le dasatinib est principalement éliminé dans les matières fécales, surtout sous la forme de métabolites.
Interactions médicamenteuses
Des études cliniques sur les interactions médicamenteuses ont été menées avec un substrat de la CYP3A4 (simvastatine) et un inducteur de la CYP3A4 (rifampine). D'autres études sur ce type d'interactions ont également été menées avec un antiacide contenant de l'hydroxyde d'aluminium/hydroxyde de magnésium (p. ex. Maalox) et avec de la famotidine, un inhibiteur des récepteurs H2.
Par rapport à l'administration de simvastatine seule, l'administration concomitante de dasatinib et de simvastatine a accru l'exposition à la simvastatine et à la simvastatine acide d'environ 20 % à 40 %. L'effet du substrat de la CYP3A4 sur l'exposition au dasatinib n'a pas été étudié. La probabilité d'un allongement « limite » de l'intervalle QTc était accrue après l'utilisation concomitante des deux produits chez des sujets en bonne santé.
Les concentrations plasmatiques de dasatinib et de deux de ses métabolites ont chuté de façon notable après l'administration de rifampine (inducteur de la CYP3A4). On a également noté un plus grand nombre de cas d'allongement limite de l'intervalle QTc chez les patients ayant reçu du dasatinib et de la rifampine que chez ceux n'ayant reçu que du dasatinib, et ce, malgré le fait que la rifampine et le dasatinib aient été administrés à 12 heures d'intervalle. Cet effet résultant de l'administration concomitante de rifampine et de dasatinib ne peut être expliqué, car on ne connaît à la rifampine aucun effet sur l'intervalle QTc, et la rifampine a entraîné une forte diminution des paramètres d'exposition, la Cmax et l'aire sous la courbe (ASC) du dasatinib, et des deux métabolites actifs présents dans le plasma.
On a signalé d'importantes diminutions de l'exposition au dasatinib (61 % et 55 %) 10 à 12 heures après l'administration de famotidine et de Maalox, respectivement. Cette réduction de l'exposition au dasatinib s'explique probablement par la solubilité du produit, laquelle varie selon le pH. On sait que la famotidine et Maalox provoquent une élévation du pH gastro‑intestinal; avec cette élévation, le dasatinib serait moins soluble et, donc, moins bien absorbé.
3.3.3 Efficacité clinique
L'efficacité clinique de Sprycel a été évaluée chez des adultes atteints de LMC en phase chronique, en phase d'accélération ou en crise blastique. L'efficacité du produit a été déterminée en fonction du taux de la réponse hématologique et du taux de la réponse cytogénétique. Les paramètres primaires d'efficacité étaient la réponse hématologique ou la réponse cytogénétique, selon le stade de la maladie : chez les patients dont la maladie avait atteint un stade avancé (phase d'accélération ou crise blastique), le paramètre primaire d'efficacité était la réponse hématologique, tandis que chez les patients en phase chronique, on a utilisé la réponse cytogénétique.
La durée du suivi était limitée. Aucun essai contrôlé n'a été mené pour démontrer un quelconque avantage clinique, comme une amélioration des symptômes ou de la survie. En se fondant sur les résultats de l'étude de phase I à dose croissante, on a choisi une dose initiale de 70 mg BID (deux fois par jour). Il n'y avait aucune relation dose‑effet linéaire, et le produit a induit une réponse à des doses tant supérieures qu'inférieures à 70 mg BID. Il faudrait mener d'autres études pour valider le choix d'une dose initiale de 70 mg BID.
LMC en phase chronique
Deux études de phase II ont été menées auprès de patients atteints de LMC en phase chronique. L'étude CA180017, une étude randomisée et non comparative, a été menée auprès de patients résistants à des doses d'imatinib ≤600 mg par jour. Aucun patient intolérant à l'imatinib n'a été recruté dans cette étude. Les patients ont été répartis aléatoirement selon un ratio 2:1 de manière à recevoir soit 70 mg BID de Sprycel, soit 400 mg BID d'imatinib. Le paramètre primaire d'efficacité était le taux de réponse cytogénétique majeure (RCM). Au moment de l'analyse provisoire, l'étude comptait peu de participants. L'évaluation à 12 semaines effectuée chez les 36 premiers patients randomisés (22 dans le groupe Sprycel et 14 dans le groupe imatinib) a révélé qu'il y avait eu une RCM chez neuf patients recevant Sprycel et chez trois patients recevant de l'imatinib (d'après le dénombrement d'au moins 20 métaphases). Il y avait eu une réponse cytogénétique complète (RCC) chez six patients recevant Sprycel et chez un patient recevant de l'imatinib. Deux patients du groupe Sprycel sont passés dans le groupe imatinib, et l'inverse s'est produit chez 11 patients du groupe imatinib. La durée médiane du traitement était de 3,7 mois chez les sujets du groupe Sprycel et de 2,7 mois chez ceux du groupe imatinib. Les données provisoires ont révélé que Sprycel provoque des réponses hématologiques complètes et majeures chez les patients atteints de LMC en phase chronique qui sont résistants à des doses de 400 à 600 mg d'imatinib par jour, y compris ceux chez qui l'on n'avait pas observé de réponse cytogénétique dans les traitements antérieurs à l'imatinib. Pour évaluer les résultats associés à ces deux groupes, il faut utiliser davantage de patients et effectuer un suivi plus long. Afin de confirmer l'efficacité du dasatinib, il faudra effectuer une analyse finale des résultats de cette étude pivot randomisée lorsque les données de suivi seront disponibles.
L'étude CA180013, une étude de phase II non comparative, a été menée auprès de 186 patients atteints de LMC en phase chronique résistants ou intolérants à l'imatinib. Les patients ont reçu 70 mg BID de Sprycel. Chez les patients dont l'affection présentait des signes d'évolution et les patients qui ne semblaient pas réagir au traitement, on a autorisé une augmentation de la dose à 90 mg BID. En plus de l'imatinib, 42 % des patients avaient déjà subi une chimiothérapie cytotoxique, 70 % un traitement par l'interféron et 9 % une greffe de cellules souches. La durée médiane du traitement était de 5,6 mois. En se fondant sur le dénombrement de ≥20 métaphases, on a déterminé qu'il y avait eu une RCM et une RCC chez 40 % et 31 % des sujets, respectivement.
LMC en phase d'accélération
Dans l'étude CA180005, on s'est intéressé à l'utilisation de Sprycel chez 107 patients atteints de LMC en phase d'accélération qui étaient résistants ou intolérants à l'imatinib. Certains des patients avaient déjà subi une chimiothérapie cytotoxique, un traitement par l'interféron ou une greffe de cellules souches. La durée médiane du traitement était de 5,5 mois. Les taux de réponse hématologique majeure (RHM) et de réponse hématologique complète (RHC) étaient de 59 % et de 33 %, respectivement. Les taux de RCM et de RCC étaient de 24 % et de 15 %, respectivement.
LMC en crise blastique
Dans l'étude CA180006, on s'est penché sur l'utilisation de Sprycel chez 74 patients atteints de LMC en crise blastique qui étaient résistants ou intolérants à l'imatinib. Certains des patients avaient déjà subi une chimiothérapie cytotoxique, un traitement par l'interféron ou une greffe de cellules souches. La durée médiane du traitement était de 3,5 mois. Les taux de RHM et de RHC étaient de 32 % et de 24 %, respectivement, et les taux de RCM et de RCC, de 22 % et de 18 %.
L'étude CA180015 a été menée auprès de 42 patients atteints de LMC en crise lymphoblastique qui étaient résistants ou intolérants à l'imatinib. Certains des patients avaient déjà subi une chimiothérapie cytotoxique, un traitement par l'interféron ou une greffe de cellules souches. La durée médiane du traitement était de 2,8 mois. Les taux de RHM et de RHC étaient de 31 % et de 26 %, respectivement, et les taux de RCM et de RCC, de 43 % et de 36 %.
Conclusion
Les résultats des études cliniques sur l'efficacité de Sprycel, notamment les taux de réponse hématologique et de réponse cytogénétique, sont prometteurs. Il faudrait toutefois disposer de données d'efficacité supplémentaires pour confirmer les avantages cliniques associés à l'utilisation de Sprycel.
Parmi les engagements post‑autorisation qu'il a pris, le promoteur a accepté de fournir les résultats des analyses d'efficacité périodiques et finales menées dans toutes les études de phase I/II en cours, mentionnées dans cette présentation. Le promoteur fournira également les résultats de l'étude de dosimétrie portant sur la LMC en phase chronique (CA180034).
3.3.4 Innocuité clinique
Les données sur l'innocuité fournies dans cette présentation de drogue proviennent d'une étude de phase I et de cinq études de phase II. Chacune de ces six études portait sur un stade précis de la maladie, à l'exception de l'étude de phase II, menée auprès de patients à tous les stades de la maladie, et de l'étude CA1800015, qui comprenait des patients atteints de LMC en crise lymphoblastique et des patients atteints de leucémie lymphoblastique aiguë (LLA) Ph+. La base de données d'innocuité intégrée était fondée sur les données associées à 511 patients. La plupart de ces patients (289; 57 %) avaient été traités pendant 3 à 6 mois.
Un moins grand nombre d'entre eux (167; 33 %) avaient été traités pendant ≤ 3 mois, et les autres, pendant 6 à 12 mois (55; 11 %) ou plus (1, 0 %). La majeure partie des décès était attribuable à l'évolution de la maladie.
La quasi‑totalité des patients a fait état d'au moins un événement indésirable (EI) lors du traitement. Les réactions étaient pour la plupart légères ou modérées. La proportion d'EI graves augmentait en fonction de la gravité de la maladie; elle était de 48 % chez les patients en phase chronique et atteignait 83 % chez les patients atteints de LMC en crise blastique et ceux atteints de LLA Ph+. Les EI les plus fréquents, toutes causes et tous grades confondus, étaient les suivants : rétention aqueuse (49 %), diarrhée (48 %), hémorragie (41 %), pyrexie (40 %), céphalées (39 %), douleurs musculosquelettiques (38 %), fatigue (35 %), éruptions cutanées (34 %), nausées (32 %), dyspnée (31 %), infections (29 %), douleurs abdominales (25 %), toux (24 %), vomissements (23 %), asthénie (22 %) et douleur (21 %).
Anomalies relatives aux analyses en laboratoire
La majorité des patients (> 85 %) ont accusé une certaine myélosuppression, laquelle était grave chez plus de la moitié des patients. Les patients dont la maladie était grave présentaient plus souvent au départ des anomalies considérées comme étant modérées ou graves et, chez ces patients, la myélosuppression s'est aggravée en cours de traitement.
On a fait état de fréquents cas d'hypophosphatémie et d'hypocalcémie. La proportion de patients présentant des anomalies de grade 3 ou 4 était considérablement élevée chez les patients atteints de LCM en crise myéloblastique ou lymphoblastique.
Aucune donnée sur la fonction thyroïdienne n'était disponible. On a demandé au promoteur de fournir les données pertinentes. Il peut s'avérer nécessaire de surveiller la fonction thyroïdienne, selon les résultats des rapports périodiques de pharmacovigilance.
Événements indésirables d'intérêt particulier
De façon générale, les EI étaient courants, y compris certains EI graves. Bon nombre de ces événements étaient prévisibles en raison de la maladie sous‑jacente et de la nature du traitement administré. Certains événements présentaient un intérêt particulier parce qu'ils étaient étonnamment fréquents ou graves. D'autres EI potentiels ont fait l'objet d'une attention particulière parce qu'ils avaient été observés après l'examen des données sur l'innocuité de l'imatinib (un autre inhibiteur de tyrosine kinase).
Rétention aqueuse
Les cas de rétention aqueuse, caractérisés par un oedème et un épanchement pleural, étaient très fréquents chez les sujets traités par l'imatinib. La cause de ce phénomène n'a pas été déterminée, mais on a par la suite observé une fréquence étonnamment élevée de cas de dysfonction myocardique. La possibilité d'un lien entre ces deux événements fait actuellement l'objet d'une évaluation prospective dans le cadre d'un essai (en cours) sur le dasatinib. Dans la base de données d'innocuité intégrée fondée sur les données de 511 patients, les cas d'oedème et d'épanchement pleural étaient fréquents à tous les stades de LMC. Les cas d'épanchement péricardique n'étaient rares à aucun stade de la maladie (fréquence globale : 4 %).
Événements hémorragiques
Comme les patients atteints de LMC présentent généralement une thrombopénie et que le dasatinib provoque une myélosuppression et une altération de la coagulation, les événements hémorragiques étaient fréquents; ils sont survenus chez environ le tiers des patients. Les hémorragies non gastro‑intestinales et non intracrâniennes étaient en majorité bénignes (grade 1 ou 2). L'administration de dasatinib n'a été réduite ou interrompue que sporadiquement, et le traitement d'aucun patient n'a dû être arrêté en raison d'hémorragies. Les hémorragies étaient plus fréquentes chez les patients dont l'affection avait atteint un stade avancé.
Les hémorragies gastro‑intestinales sont courantes chez les patients atteints de leucémie à un stade avancé et sont habituellement associées à une thrombopénie importante. Un peu plus de 16 % des sujets ont fait état d'une hémorragie gastro‑intestinale de quelque gravité que ce soit. Un peu plus de la moitié de tous les cas d'hémorragie gastro‑intestinale étaient de grade 3 ou 4, et il a fallu recourir à une transfusion sanguine dans la majorité de ces cas.
La leucémie avancée est associée à des hémorragies intracrâniennes, lesquelles sont souvent mortelles. Tous les cas d'hémorragie liée au système nerveux central signalés dans les études étaient associés à une thrombopénie de grade 3 ou 4.
Événements cardiovasculaires
Les études pharmacologiques portant sur l'innocuité ont révélé que Sprycel pouvait provoquer un allongement de l'intervalle QTc. Ce phénomène a également été observé chez des sujets en bonne santé lorsque le dasatinib était administré avec des substrats ou des inducteurs de la CYP3A4. Dans les études cliniques de phase II menées auprès de sujets leucémiques traités par Sprycel, il y a eu modification de la durée de l'intervalle QTcF par rapport à la valeur de base. Les écarts moyens étaient de 3 à 6 msec; la borne
supérieure de l'intervalle de confiance à 95 % de tous les écarts moyens par rapport à la valeur de base était < 8 msec, et la borne inférieure, > -2 msec. L'intervalle QTcF était > 500 msec chez 3 patients (< 1 %).
La monographie de produit comporte une mise en garde sur le risque d'allongement considérable de l'intervalle QTc lorsque le dasatinib est administré chez des sujets atteints du syndrome congénital du QTc long. Elle indique également que l'administration concomitante de dasatinib et d'autres médicaments qui provoquent un allongement de l'intervalle QTc devrait faire l'objet d'une surveillance étroite.
On a accordé une attention particulière à un article publié l'an dernier dans lequel on affirmait que le traitement par l'imatinib pouvait être cardiotoxique en ce sens qu'il pouvait causer une dysfonction ventriculaire gauche. Dans les essais cliniques utilisant des inhibiteurs de la tyrosine kinase ABL‑BCR, on a régulièrement signalé un nombre élevé de cas d'oedème, dont certains étaient sérieux, de même que des cas de dyspnée grave. Bien que ces phénomènes soient relativement courants chez les personnes atteintes de LMC, il est possible que les patients traités par Sprycel présentent une dysfonction ventriculaire gauche et une insuffisance cardiaque congestive (ICC) même s'ils n'ont pas d'antécédents de maladie cardiaque. La fréquence des cas de cardiotoxicité directe résultant d'une exposition au médicament n'a pas encore été déterminée.
À partir de la base de données d'innocuité intégrée, renfermant des données provenant de 511 patients, on a regroupé les signalements d'ICC, d'oedème pulmonaire et de cardiomyopathie pour chaque phase de la LMC, car ces trois EI peuvent découler d'une dysfonction ventriculaire gauche. Le nombre total de cas de ces trois EI chez les sujets atteints de LMC en phase chronique, en phase d'accélération, en crise myéloblastique ou en crise lymphoblastique était de 13 (6 %), 10 (8 %), 17 (18 %) et 3 (3 %), respectivement.
Les cas de dyspnée étaient fréquents à toutes les phases de LMC. Le nombre total de ces cas chez les sujets atteints de LMC en phase chronique, en phase d'accélération, en crise myéloblastique ou en crise lymphoblastique était de 52 (25 %), 34 (29 %), 33 (34 %) et 20 (23 %), respectivement. La cause de la dyspnée n'a pas été déterminée, mais il semble probable qu'un bon nombre de cas soient attribuables à la dysfonction ventriculaire gauche. Fait intéressant, la fréquence de ces cas est très semblable à toutes les phases de LMC, ce qui donne à penser qu'il pourrait s'agir d'un effet lié au médicament. Les résultats des essais prospectifs et en série sur la fonction cardiaque menés dans le cadre des études en cours pourraient s'avérer révélateurs. Des mises en garde sur la possibilité d'une ICC ou d'un oedème pulmonaire figurent dans la monographie de produit.
Événements gastro‑intestinaux et hépatiques
Les EI gastro‑intestinaux étaient fréquents à toutes les phases de LMC. Les événements les plus courants, toutes phases confondues, étaient la diarrhée, les nausées et les vomissements (fréquence : 48 %, 32 % et 23 %, respectivement). Pris ensemble, ces trois EI étaient considérés comme graves (grade 3 ou 4) chez 8 % des sujets. On a également signalé de nombreux cas de douleur abdominale non spécifique.
Par ailleurs, on observait fréquemment des augmentations non spécifiques des taux d'enzymes hépatiques et de bilirubine ainsi que du rapport du temps de prothrombine (RIN), et des diminutions du taux d'albumine. On n'a relevé aucun cas d'insuffisance hépatique importante, et la plupart des anomalies ont disparu spontanément avec ou sans interruption du traitement. La fréquence des anomalies de la fonction hépatique augmentait en fonction de la gravité de la maladie. Le traitement d'aucun patient n'a dû être arrêté en raison d'une toxicité hépatique. Bien que la cause de ces effets n'ait pas été déterminée, il faudrait faire preuve de prudence en présence d'anomalies de la fonction hépatique. La durée médiane du suivi pour l'ensemble des études d'innocuité n'était que de trois mois. Ces anomalies hépatiques sont mentionnées dans la monographie de produit.
Conclusion
Les EI survenus lors du traitement étaient fréquents à toutes les phases de la maladie, et il y avait une corrélation entre la fréquence de ces EI et la gravité de la maladie. Globalement, l'innocuité de Sprycel (dasatinib) et la tolérance au produit sont acceptables pour ce qui concerne le groupe de patients visé par le médicament. Il faut par ailleurs effectuer un suivi continu afin de déterminer l'importance de certains EI inattendus s'étant produits lors du traitement.
Des données supplémentaires sur l'innocuité sont nécessaires pour que l'on puisse confirmer les avantages cliniques et l'innocuité à long terme de Sprycel. Parmi les engagements post‑autorisation qu'il a pris, le promoteur a accepté d'effectuer des analyses d'efficacité périodiques et de fournir les résultats finaux de toutes les études de phase I/II sur le dasatinib en cours qui sont mentionnées dans cette présentation. Le promoteur fournira également les résultats d'études cliniques et non cliniques sur la fraction d'éjection ventriculaire gauche et la toxicité myocardique potentielle. De plus, le promoteur signalera à Santé Canada, dans les 15 jours, toutes les réactions indésirables graves qui se produisent au Canada et toutes les réactions indésirables graves et inattendues qui surviennent à l'étranger; il présentera également un rapport périodique de pharmacovigilance deux fois par année jusqu'à ce que les conditions de l'autorisation soient modifiées.
3.4 Évaluation des avantages / risques et recommandation
3.4.1 Évaluation des avantages / risques
Sprycel est un nouveau médicament pour le traitement des patients atteints de LMC qui sont résistants à l'imatinib. Les possibilités thérapeutiques en ce qui concerne les personnes atteintes de LMC qui sont résistantes ou intolérantes à l'imatinib sont limitées; aucun médicament n'est actuellement autorisé pour ces indications. Le dasatinib s'est clairement révélé plus puissant que l'imatinib pour ce qui est de l'inhibition de lignées cellulaires de LMC sensibles à l'imatinib et il s'est également montré efficace sur les lignées cellulaires de LMC insensibles ou résistantes à l'imatinib. Le dasatinib peut provoquer certains effets indésirables, attendus ou non, comme une hématosuppression, une rétention aqueuse, une toxicité gastro‑intestinale, des hémorragies et une toxicité cardiovasculaire. Comme il n'existe actuellement aucun traitement efficace pour les patients chez qui l'utilisation d'imatinib a échoué, et que les profils de toxicité du dasatinib sont dans une large mesure prévisibles et gérables lorsqu'on effectue un suivi clinique rigoureux, le profil avantages/risques du dasatinib est positif.
3.4.2 Recommandation
Après avoir examiné les données sur la qualité, l'innocuité et l'efficacité de ce produit, Santé Canada estime que Sprycel a un profil avantages/risques favorable au traitement des adultes atteints d'une LMC en phase chronique, en phase d'accélération ou en crise blastique, associée à une résistance ou à une intolérance au traitement antérieur, y compris celui par le mésylate d'imatinib.
La présentation de drogue nouvelle satisfait aux conditions d'autorisation prévues dans la politique sur les AC‑C et répond aux exigences des articles C.08.002 et C.08.005.1. Par conséquent, Santé Canada a émis l'Avis de conformité prévu par l'article C.08.004 du Règlement sur les aliments et drogues.
En conformité avec les dispositions de la politique sur les AC‑C, le promoteur a accepté de fournir les éléments suivants à des fins de confirmation :
- données obtenues dans le cadre d'un suivi de deux ans effectué auprès des patients atteints de LMC en phase d'accélération ou en crise blastique ayant participé aux études suivantes : CA180002, CA180015, CA180006, CA180005 et CA180013;
- données relatives à la RCM obtenues dans le cadre d'un suivi de 24 mois effectué auprès des patients ayant participé à l'étude CA180017, de même que les résultats de l'étude de dosimétrie CA180034.
Le promoteur a accepté de mener des études de pharmacocinétique et d'innocuité supplémentaires après la commercialisation du produit afin de permettre une meilleure caractérisation du profil d'innocuité de Sprycel; les rapports finaux seront fournis une fois les études achevées. Parmi ces études figureront des études cliniques et non cliniques portant sur la fraction d'éjection ventriculaire gauche et la toxicité myocardique potentielle, ainsi que des études portant sur les effets du kétoconazole et d'une insuffisance hépatique sur les propriétés pharmacocinétiques de Sprycel.
Toutes les réactions indésirables graves qui se produisent au Canada et toutes les réactions indésirables graves et inattendues qui surviennent à l'étranger seront signalées à Santé Canada dans les 15 jours; un rapport de pharmacovigilance (120 jours) sera également présenté après la délivrance de l'AC‑C. Les rapports périodiques de pharmacovigilance seront soumis deux fois par année jusqu'à ce que Santé Canada retire les conditions de l'AC‑C.
4 Étapes importantes de la présentation
Étapes importantes de la présentation: Sprycel
Étape importante de la présentation | Date |
---|---|
Réunion préalable à la présentation : | 2005-11-15 |
Dépôt de la présentation: | 2006-03-29 |
Examen préliminaire 1 | |
Avis d'insuffisance émis lors de l'examen préliminaire: | 2006-04-28 |
Réponse déposée: | 2006-05-25 |
Lettre d'acceptation à l'issue de l'examen préliminaire: | 2006-06-22 |
Examen 1 | |
Évaluation biopharmaceutique terminée: | 2006-12-12 |
Évaluation de la qualité terminée: | 2006-12-13 |
Évaluation clinique terminée: | 2007-01-16 |
Évaluation de l'étiquetage terminée: | 2007-01-16 |
AA/AC-C émis par le directeur général: | 2007-01-17 |
Réponse à l'AA déposée: | 2007-01-30 |
Examen 2 | |
AC-C émis par le directeur général: | 2007-03-26 |
Produits pharmaceutiques connexes
Nom du produit | DIN | Entreprise | Ingrédient(s) actif(s) & concentration |
---|---|---|---|
SPRYCEL | 02293137 | BRISTOL-MYERS SQUIBB CANADA | Dasatinib (Monohydrate de dasatinib) 50 MG |
SPRYCEL | 02293145 | BRISTOL-MYERS SQUIBB CANADA | Dasatinib (Monohydrate de dasatinib) 70 MG |
SPRYCEL | 02293129 | BRISTOL-MYERS SQUIBB CANADA | Dasatinib (Monohydrate de dasatinib) 20 MG |