Sommaire de décision réglementaire portant sur Lumeblue

Décisions d'examen

Le sommaire de décision réglementaire explique la décision de Santé Canada face au produit pour lequel une autorisation de mise en marché est demandée. Le sommaire de décision réglementaire comporte le but de la présentation et le motif de la décision.


Type de produit:

Médicament

Ingrédient(s) médicinal(aux) :

Bleu de méthylène

Numéro de contrôle :

219788

Nom de marque :

Lumeblue

Classe thérapeutique :

Agents de diagnostic

Type de présentation :

Présentation de drogue nouvelle

Décision rendue :

Rejeté; émission d’un avis de non-conformité - lettre de retrait conformément au Règlement sur les aliments et drogues

Quel était l’objet de la présentation?

La présente présentation de drogue nouvelle (PDN) a été déposée en vue d’obtenir une autorisation de mise en marché pour Lumeblue (comprimés de bleu de méthylène à libération différée) comme aide à la visualisation pour la détection des lésions de la muqueuse, y compris les lésions non polypoïdes et les petites lésions, chez les patients qui subissent une coloscopie.

Pourquoi la décision a-t-elle été rendue?

Santé Canada ne considère pas que le profil avantages-préjudices-incertitude de Lumeblue (comprimés de bleu de méthylène à libération différée) soit favorable comme aide à la visualisation pour la détection des lésions de la muqueuse, y compris les lésions non polypoïdes et les petites lésions, chez les patients qui subissent une coloscopie.

L’indication proposée a été soutenue par les résultats d’une étude de phase III multicentrique, multinationale, contrôlée par placebo, randomisée, à double insu et en groupes parallèles chez des patients subissant une coloscopie de dépistage ou de surveillance du cancer colorectal (étude CB-17-01/06). Cette étude a été menée auprès de 1 208 patients, hommes et femmes, âgés de 50 à 75 ans, devant subir une coloscopie de dépistage ou de surveillance plus de deux ans après la coloscopie précédente. Les comprimés Lumeblue ont été administrés par voie orale environ 12 heures avant la procédure de coloscopie. Le critère principal d’efficacité a été atteint dans l’ensemble de la population et chez les sujets âgés de 50 à 64 ans; le pourcentage de sujets présentant au moins un adénome ou un carcinome histologiquement prouvé (défini par la classification de Vienne, grade 3-5b) dans toutes les régions du côlon était significativement plus élevé dans le groupe ayant subi l’endoscopie en lumière blanche améliorée par Lumeblue que dans le groupe ayant reçu le placebo (endoscopie en lumière blanche uniquement). Cependant, le nombre de sujets présentant au moins un adénome ou un carcinome histologiquement prouvé dans toutes les régions du côlon à l’exception de la région rectosigmoïdienne était comparable, ce qui indique que l’efficacité de Lumeblue n’a été démontrée que dans la région rectosigmoïdienne du côlon, ce qui a été confirmé par une analyse des sous-groupes des régions de l’intestin. Aucune importance statistique n’a été atteinte chez les sujets soumis à un dépistage et à une surveillance ≤2 ans après une coloscopie antérieure, chez les sujets âgés de plus de 65 ans, chez les sujets noirs et chez les sujets de sexe masculin.

Le profil d’innocuité du bleu de méthylène est bien connu. Les risques les plus critiques comprennent le statut du bleu de méthylène en tant qu’agent tératogène provoquant des anomalies du développement. Dans l’étude pivot, les seuls effets indésirables dont l’incidence était ≥1 % étaient la chromaturie (48,0 % dans le groupe Lumeblue 200 mg contre 1,5 % dans le groupe Placebo), la décoloration des selles (19,5 % contre 0 %), les nausées (5,9 % contre 3,5 %), les vomissements (4,7 % contre 2,7 %), les maux de tête (2,7 % contre 1,7 %), les douleurs abdominales (1,2 % contre 0,4 %) et l’hypotension (1,0 % contre 0,6 %).

Deux préoccupations majeures liées à l’efficacité et à l’innocuité de Lumeblue ont incité Santé Canada à émettre un avis de non-conformité (ANC) le 16 août 2019 :

  1. Un biais important a été introduit dans la conception de l’étude, ce qui a empêché une évaluation correcte des résultats. Par conséquent, l’efficacité de Lumeblue pour l’indication proposée n’a pas pu être établie. Le nombre et le type de lésions étaient inconnus avant l’inscription et n’ont pas été protégés par la suite par la répartition aléatoire, ce qui a entraîné un déséquilibre dans le nombre de carcinomes et d’adénomes par sujet entre le groupe de traitement et le groupe placebo au début de l’étude. Santé Canada craignait que cette répartition déséquilibrée des lésions ait pu fausser les résultats des analyses primaires et secondaires, car la différence dans le taux de détection observé pouvait être attribuée à tort à l’effet de Lumeblue par rapport à celui du produit de comparaison.

  2. Le potentiel mutagène du bleu de méthylène dans des conditions de coloscopie en lumière blanche n’a pas été suffisamment évalué dans les données présentées, empêchant ainsi Santé Canada de prendre des décisions éclairées quant à l’innocuité de Lumeblue dans les conditions d’utilisation.

Le promoteur a eu l’occasion de répondre aux préoccupations susmentionnées. En réponse à la première objection majeure, le promoteur a fait valoir que les différences observées dans le nombre de carcinomes et d’adénomes par sujet entre le groupe de traitement et le groupe placebo au début de l’étude ne constituaient pas un argument valable pour soupçonner une erreur de type I supérieure aux 5 % habituels et prévus lors de l’interprétation des résultats de l’étude. En raison du mode d’administration et d’utilisation de Lumeblue dans le corps humain, une nouvelle approche conceptuelle était nécessaire pour tester son efficacité de manière à éviter tout biais lié au chercheur ou à la sélection. Dans l’ensemble, la réponse fournie par le promoteur a été jugée satisfaisante pour résoudre le problème statistique soulevé dans l’ANC.

La deuxième objection majeure a été soulevée en raison de résultats incohérents dans les études in vivo et in vitro et de l’utilisation d’un test non validé par le promoteur, ce qui soulève des inquiétudes quant à la sécurité de Lumeblue en ce qui concerne son potentiel mutagène dans les conditions d’utilisation. Le promoteur a été encouragé à confirmer l’innocuité de Lumeblue dans les conditions d’utilisation en ce qui concerne son potentiel mutagène à l’aide d’essais internationalement reconnus et recommandés En réponse, le promoteur a effectué un test des comètes alcalines in vivo sur des cellules isolées à partir de biopsies du côlon de chiens. L’étude a été menée sur des chiens de race Beagle afin de reproduire les conditions d’utilisation en clinique en ce qui concerne la dose, l’administration et la procédure de coloscopie (durée de la procédure, procédure de prélèvement des biopsies, etc.). La méthodologie a été dérivée des lignes directrices appropriées de l’ICH et de l’OCDE, avec quelques modifications pour mieux reproduire les conditions d’utilisation, ce qui a été jugé acceptable. Les résultats ont démontré la présence de lésions à l’ADN statistiquement significatives. Dans l’ensemble, Santé Canada a conclu que la nouvelle étude fournie par le promoteur n’était pas en mesure de résoudre les problèmes d’innocuité liés aux dommages potentiels à l’ADN associés à la procédure proposée de coloscopie en lumière blanche améliorée par Lumeblue.

L’évaluation des avantages, des préjudices et des incertitudes a permis de conclure que les avantages associés à la détection d’un plus grand nombre d’adénomes dans la région rectosigmoïdienne du côlon ne l’emportent pas sur les risques associés à l’action génotoxique potentielle de Lumeblue dans les conditions d’utilisation (c.-à-d. coloscopie en lumière blanche). Les risques pour la population de patients proposée, y compris ceux qui subissent une coloscopie pour un dépistage de routine et ceux qui subissent une coloscopie pour la surveillance, ont été jugés substantiels et les stratégies d’atténuation des risques se sont révélées inefficaces. Les risques qui n’ont pu être surmontés sont les suivants :

  • Le risque de cancer d’intervalle potentiellement associé aux propriétés mutagènes de Lumeblue dans les conditions d’utilisation (c.-à-d. coloscopie en lumière blanche) n’est pas défini dans les données probantes présentées.

  • Il existe d’autres méthodes de détection des lésions du côlon, y compris la coloscopie conventionnelle en lumière blanche, comme l’a montré l’essai clinique pivot où, à l’exception du segment rectosigmoïde du côlon, la coloscopie en lumière blanche a donné des résultats similaires à ceux de la coloscopie améliorée par Lumeblue.

  • La surveillance et les mesures prises après la mise en marché ne permettent pas d’identifier et de suivre les patients chez lesquels l’action génotoxique de Lumeblue a provoqué l’apparition d’adénomes et de carcinomes par rapport à ceux qui ont développé ces lésions pour des raisons non liées au Lumeblue.

  • Il est impossible d’atténuer le risque en limitant l’administration du produit aux régions de la lumière où une meilleure visualisation est nécessaire, car Lumeblue est administré par voie orale 12 heures avant la procédure de coloscopie.

  • Le risque d’exposition à la lumière blanche, qui favorise la génotoxicité de Lumeblue, ne peut être atténué. Étant donné que Lumeblue est administré par voie orale et qu’il est incorporé dans l’ensemble de la lumière du côlon, toutes les régions de la lumière, indépendamment de la présence ou de l’absence de lésions, risquent d’être exposées à la lumière blanche. La lumière blanche est nécessaire pour effectuer une coloscopie en toute sécurité; il n’est donc pas pratique et dangereux de réduire au minimum la durée d’exposition de la lumière blanche dans la lumière. L’exposition totale à la lumière blanche est difficile à prévoir car elle dépend de la complexité de la procédure et de l’expérience de l’endoscopiste, entre autres facteurs. La dépendance temporelle des dommages à l’ADN n’a pas été étudiée et le temps minimum pour induire des dommages dans les conditions d’utilisation est inconnu. Cependant, les dommages à l’ADN démontrés dans l’étude sur le chien de race Beagle ont eu lieu pendant la durée typique d’une procédure de coloscopie.

Compte tenu du profil défavorable avantages-préjudices-incertitudes de Lumeblue pour l’indication proposée, une lettre de non-retrait est recommandée conformément à l’article C.08.004 du Règlement sur les aliments et drogues et au document d’orientation sur la Gestion des présentations et des demandes de drogues de Santé Canada.

Date de décision :

2021-12-22

Fabricant / Promoteur :

Pendopharm Division of Pharmascience Inc.

Identification(s) numérique(s) de drogue(s) émis(es) :

S/O

Statut de vente sur ordonnance :

Disponible sur ordonnance seulement

Date de présentation :

2018-09-17